Demain, tout ira bien
BotaniqueTous les ans, le Festival International des Jardins du Domaine de Chaumont-sur-Loire invite les concepteurs des quatre coins du monde à imaginer un jardin éphémère en fonction de la thématique de l’édition. Pour être retenu, un projet doit être « un concentré d’imagination, de savoirs et de savoir-faire », explique la directrice du festival, Chantal Colleu-Dumond.
Cette année, Fabien Caumont a eu l’honneur d’aménager une des 24 parcelles nichées sur le domaine de Chaumont, le majestueux château regnant en arrière plan. Le festival est ouvert au public du 25 avril au 5 novembre afin de pouvoir admirer l’évolution des jardins au fil des saisons.
Pour répondre au mieux au thème de cette année, le jardin résilient, Fabien et Francis Arsène de l’Atelier Arzinc ont fait équipe pour allier leurs compétences artisanales. Ils ne considèrent pas la résilience comme une simple résistance à l’attaque. C’est davantage un « chemin » propre à chacun qu’il serait nécessaire d’emprunter pour intégrer un choc subi. pour ensuite pouvoir continuer à avancer, transformé pour le mieux.
Le titre du jardin, « Demain, tout ira bien » évoque l’optimise que l’on trouve au cœur de la résilience. La nature nous en offre un des plus beaux exemples. Il suffit d’observer de sa fascinante faculté à s’accrocher à la vie, à s’adapter aux conditions extrêmes et à surmonter les barrières qu’on met devant elle.
Ce jardin est parrainé par Garden Lab et n’aurait pas été possible sans le soutien de Garden26, Verte Ligne Pépinière, O2D environnement, EG. Bois, Fifty Bees, et Rheinzink.
Le concept
Ce jardin a pour ambition d’évoquer les parallèles entre la résilience humaine et végétale dans un contexte urbain. Le livre Le Lys de Brooklyn a servi d’une des premières inspirations. Dans ce roman, l’auteure compare l’ascension sociale du personnage principal aux arbres à Brooklyn qui doivent luttent pour vivre car ils poussent dans du ciment, sans eau, sans terre.
La collaboration entre Fabien Caumont et l’Atelier Arzinc a permis de créer un milieu urbain qui servira de point d’ancrage du processus de résilience que va vivre le visiteur. Le jardin fut conçu comme un parcours divisé en trois strates symbolisant les étapes d’une résilience spirituelle, qui a pour ambition de tracer un chemin vers plus d’équilibre entre ville et végétal.
La végétation qui le compose s’ancre dans cette idée de résilience post-traumatique; elle est majoritairement composée de plantes pionnières, celles qui sont les premières à pousser après un choc. Tout au long du parcours proposé, le jardin suit une évolution similaire à la reprise de la végétation dans une zone désertifiée, stérile ou complètement bétonisée.
Le parcours
L’entrée dans la parcelle se fait via une maisonnette sinistrée. Coiffée de plusieurs lucarne en zinc, elle représente une mansarde détériorée, matérialisant un choc subi. Dedans, on retrouve une ambiance sombre et inquiétante, composée de matériaux usés, abîmés. La végétation n’est pas encore présente, seul le minéral domine dans cet espace. Pas à pas, le visiteur est guidé par les premiers rayons de lumière extérieurs qui le conduisent progressivement vers les sorties latérales.
Dans le deuxième stade, celui de l’intégration, on se promène le long des haies de charme, entre des troncs métalliques qui jalonnent le sentier. On rencontre un le sol minéral qui est légèrement tapissé de mousses. Cette première nappe végétale accompagne le visiteur qui, au fur et à mesure, peut s’apercevoir de la métamorphose progressive de la végétation. Les mousses primitives se substituent à des plantes vivaces plus hautes, puis enfin, apparaissent les premiers arbustes pionniers.
Lors du troisième stade, le visiteur peut observer la croissance post-traumatique. On voit que le vivant s’est remis du choc d’entrée. Le végétal s’enracine, grimpe, se déploie, à l’image des bouleaux qui traversent vigoureusement la toiture de l’un des deux cabanons. Situés aux angles du jardin, ils offrent une pause dans le parcours et la possibilité de méditer sur le processus de résilience vécu à la fois par le végétal, mais aussi par le visiteur lui-même.
Une certaine harmonie sauvage semble se dessiner ; des constructions sont désormais habitées par la nature, les oiseaux et les insectes. Une mare, alimentée par les différents canaux, stagne doucement sous une plateforme en bois montée sur pilotis. Cet espace incite le visiteur à se retourner pour contempler le chemin parcouru.
Enfin, un massif d’arbre en fond de parcelle, est alimenté par l’eau de pluie récoltée par les deux abris. Il illustre la capacité du végétal à puiser dans les ressources disponibles afin de se remettre d’un choc, et croître coûte que coûte, malgré le traumatisme vécu.
Le chemin se termine par la maisonnette sinistrée pour évoquer la nature cyclique de la résilience, un parcours que nous ne terminons jamais réellement. On peut juste reprendre le même chemin, plus fort des réflexions et leçons du passé. Afin que demain, tout aille mieux…
La liste de végétaux
GRANDS SUJETS ET ARBUSTES
Betula pendula, Rubus fruticosus, Sambucus nigra, Rubus idaeus, Corylus avelana, Euonymus europaeus, Viburnum lantana, Buddleia …
VIVACES
Fragaria vesca, Verbascum thapsus, Daucus carota, Carex pendula, Angelica sylvestris, Papaver rhoeas, Digitalis purpurea, Campanula…
GRIMPANTES ET AUTRES
Humulus lupulus, Rosier ‘Bobbies James’, Clematis vitalba Typha latilifolia, Caltha palustris, Equisetum hyemale….
Les matériaux
ORIGINE ET HISTOIRE DES MATÉRIAUX
Le réemploi des ressources et le recyclage des matériaux ont été privilégiés dans la conception du projet, fondement d’une pensée plus résiliente de la réalisation du jardin. En e et, 80% des matériaux utilisés sont issus du recyclage (notamment récupérés et conservés par Francis Arsène depuis plusieurs années).
LISTE DES MATÉRIAUX
Structures : feuilles de zinc récupérées avec motif naturel, cathode de zinc (matériau résiduel obtenu par électrolyse lors de la fabrication industrielle des feuilles de zinc) ornements de toitures, gouttières, sorties de cheminées, lucarnes en zinc, châssis de toit parisien, etc…
Revêtements de sols : plancher en bois de châtaignier (vieux de 31 ans), tuiles en terre cuite du vieux Paris (vieilles de plus de 100 ans)…